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alain de benoist - Page 89

  • Quelle Europe ?...

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    Le rêve européen s’est transformé en cauchemar. L’Union européenne traverse une crise de légitimité sans précédent. Et le spectacle qu’elle offre n’a rien pour enthousiasmer. Le sentiment le plus répandu est que l’Europe se construit désormais contre les Européens. Un sondage Ipsos a révélé que 70 % des Français souhaitent « limiter les pouvoirs de l’Europe ». Comment en est-on arrivé là ?

    À l’occasion de la parution du numéro spécial «Europe» de la revue Eléments n°151, la rédaction a le plaisir de vous inviter à participer au colloque «Europe-marché ou Europe-puissance ?», le samedi 26 avril prochain, qui aura lieu de 15 à 19 heures à Paris, à l'ASIEM (6 rue Albert de Lapparent 7e arrondissement).

    Invités du colloque

    • Eric Maulin, professeur à l’université de Strasbourg et vice-président du Forum Carolus,

    • Gérard Dussouy, professeur de géopolitique à l'université de Bordeaux,

    • Magali Pernin, spécialiste en droit public, animatrice du site contrelacour.fr,

    • Françoise Bonardel, philosophe, professeur à l'université de Paris Panthéon-Sorbonne,

    • Paul-Marie Coûteaux, essayiste,

    • Pierre Le Vigan, écrivain et journaliste d’Éléments,

    • Alain de Benoist, essayiste et directeur de Krisis et Nouvelle Ecole.

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  • « L'Europe n'a cessé de se construire sans les peuples »...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Alain de Benoist au site italien L'AntiDiplomatico sur la question européenne...

     

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    « L'Europe n'a cessé de se construire sans les peuples »

    - Dans de nombreux pays, nous sommes en train d'assister à la fusion des partis conservateurs et socialistes qui s'unissent pour défendre l'austérité de Bruxelles contre les intentions de votes des électeurs. Le vote des Parlementaires nationaux sur les lois de stabilité ne compte désormais plus et les gouvernements ne font qu'attendre l'approbation de la Commission. Pour finir, les pays sont en train de s’endetter pour financer des organisations intergouvernementales comme le Mes qui prendra des décisions fondamentales pour la vie des populations ces prochaines années et qui est dénué de mécanismes de transparence  et de tout contrôle démocratique. Que reste-t-il de démocratique à nos populations pour exprimer leur mal-être social croissant ?
     
    La situation que vous décrivez est l’aboutissement d’une longue dérive, qui s’est encore accélérée après la signature du traité de Maastricht. Le déficit de légitimité démocratique des institutions européennes actuelles a été souligné de longue date :  aujourd’hui encore, la Commission européenne échappe pratiquement à tout contrôle, le Conseil des ministres, issu des gouvernements européens, n’a de comptes à rendre à personne, le choix du président de la Banque centrale n’a pas à être confirmé par le Parlement, et la nomination des membres de la Cour de justice de l’Union est la seule affaire des gouvernements. Même la supranationalité existante actuellement n’a pas résulté d’une délibération publique ou d’un processus démocratique, mais d’une décision judiciaire de la Cour européenne de justice qui, dans ses deux arrêts fondamentaux de 1963 et 1964, a élevé les traités fondateurs de l’Europe au rang de « charte constitutionnelle », avec pour effet direct la primauté du droit communautaire par rapport aux droits nationaux. Le Parlement européen, seule instance porteuse de la souveraineté populaire, est privé à la fois de son pouvoir normatif et de son pouvoir de contrôle. Avec l’arrivée des nouveaux Etats membres, il ne produit plus qu’une cacophonie politiquement inaudible. 
    L’Europe, en fait, n’a cessé de se construire sans les peuples. On pourrait même dire que la grande constante des « faiseurs d’Europe » a été leur méfiance irrépressible vis-à-vis de toute demande d’arbitrage émanant des électeurs, c’est-à-dire des citoyens. C’est ainsi qu’il y a quelques années, on avait formulé un projet de Constitution sans que jamais soit posé le problème du pouvoir constituant, et lorsque l’on a consulté le peuple par voie de référendum, comme en France en 2005, cela a été, au vu des résultats, pour s’en repentir amèrement et se jurer qu’on ne le ferait plus (d’où le projet de « traité simplifié » adopté au sommet de Lisbonne, qui avait pour seul objet de contourner l’opposition au traité constitutionnel européen en reproposant le même contenu sous un habillage différent).
     
    - Vous citez souvent la phrase de Nietzsche : «  l'Europe se fera au bord du tombeau ». Pouvez-vous nous expliquer plus clairement votre idée de l'Europe...  selon vous, quelle forme est-elle en train de prendre ?
     
    La phrase de Nietzsche signifie qu’une réorientation de la construction européenne ne pourra vraisemblablement advenir que lorsque les institutions actuelles se seront complétement effondrées. L’Union européenne est aujourd’hui à la fois impuissante et paralysée mais, paradoxalement, elle s’est en même temps engagée dans une sorte de fuite en avant qui lui interdit de changer de principes ou d’orientations. Pour pouvoir envisager un « autre commencement », il faut donc que les choses aillent à leur terme. On pourrait faire ici une comparaison avec le système capitaliste, qui a moins à redouter de ses adversaires que de lui-même : il périra de ses propres contradictions.
     
    - Dans votre livre de 1995, L'Empire intérieur, vous écrivez de quelle façon le fédéralisme est la logique la plus conforme à l’impérialisme. Que diriez-vous aujourd'hui à ceux qui continuent à proposer comme seule alternative possible les États-Unis d'Europe ?
     
    Dans mon livre, j’écris que le fédéralisme prolonge dans une certaine mesure l’inspiration « impériale » dans la mesure où il se caractérise par des traits tels que la décentralisation, l’autonomie de ses diverses composantes, le recours au principe de subsidiarité, etc. Mais je parle ici du modèle historique de l’Empire par opposition au modèle jacobin de l’Etat-nation, non de l’ « impérialisme », terme que je n’emploie jamais dans un sens positif ! Il y a pour moi autant de différence entre l’Empire et l’impérialisme qu’entre le bien commun et le communisme, l’égalité et l’égalitarisme, ou encore la liberté et le libéralisme…
    La formule des « Etats-Unis d’Europe », que l’on trouve déjà chez Victor Hugo, ne m’est pas antipathique. Mais c’est une formule qui ne signifie pas grand-chose dans la mesure où l’on ne peut envisager une Europe politiquement unie à la façon dont se sont formés les Etats-Unis d’Amérique. Ce qu’il me paraît en revanche important de souligner, c’est que l’Europe actuelle n’a absolument rien de « fédéral », contrairement à ce que disent certains de ses adversaires. Pour les partisans d’un « fédéralisme intégral », dont je fais partie, une saine logique aurait voulu que la construction européenne se fasse à partir du bas, du quartier et du voisinage (lieu d’apprentissage de base de la citoyenneté) vers la commune, de la commune ou de l’agglomération vers la région, de la région vers la nation, de la nation vers l’Europe. C’est ce qui aurait permis l’application rigoureuse du principe de subsidiarité. La subsidiarité exige que l’autorité supérieure intervienne dans les seuls cas où l’autorité inférieure est incapable de le faire (c’est le principe de compétence suffisante). Dans l’Europe de Bruxelles, où une bureaucratie centralisatrice tend à tout réglementer par le moyen de ses directives, l’autorité supérieure intervient chaque fois qu’elle s’estime capable de le faire, avec comme résultat que la Commission décide de tout parce qu’elle se juge omnicompétente. La dénonciation rituelle par les souverainistes de l’Europe de Bruxelles comme une « Europe fédérale » ne doit donc pas faire illusion : par sa tendance à s’attribuer autoritairement toutes les compétences, elle se construit au contraire sur un modèle très largement jacobin. Loin d’être « fédérale », elle est même jacobine à l’extrême, puisqu’elle conjugue autoritarisme punitif, centralisme et opacité.
     
    - Les plus grands économistes du monde avaient indiqué toutes les implications négatives qu'engendrerait le choix d'une monnaie unique dans des pays aussi différents sur le plan économique. Pensez-vous qu'il soit souhaitable et politiquement possible pour des pays comme la France ou l'Italie, particulièrement touchés par les conséquences de ce choix monétaire, de retourner à leurs anciennes devises ? 
     
    Je ne suis pas du tout sûr que « les plus grands économistes du monde » aient vraiment mis en garde contre l’instauration de l’euro ! Certains l’ont sans doute fait, mais il me semble que la majorité des économistes étaient plutôt favorables à la monnaie unique. On voit aujourd’hui à quel point ils se sont trompés. L’idée d’une monnaie unique n’était pourtant pas du tout absurde, notamment dans la perspective de la création d’une monnaie de réserve alternative par rapport au dollar. Le problème est venu de ce que l’Allemagne a exigé que l’euro ait la même valeur que le mark, ce qui le rendait inutilisable par plus de la moitié des pays européens. Pour ses créateurs, l’euro devait favoriser la convergence des économies nationales. En réalité, du fait même de sa surévaluation, il a favorisé leur divergence.
    On parle aujourd’hui beaucoup d’un retour aux anciennes devises nationales. En France, par exemple, des hommes comme le sociologue Emmanuel Todd ou l’économiste Jacques Sapir se sont nettement prononcés pour une sortie de l’euro. Je suis personnellement plus sceptique. Une telle hypothèse, d’abord, est aujourd’hui purement théorique, car aucun pays n’est apparemment disposé à sortir du système de l’euro. Un retour au franc ou à la lire, suivi d’une dévaluation, aurait par ailleurs pour conséquence de renchérir la dette publique, qui resterait libellée en euros. Une sortie de l’euro n’aurait de sens que si elle était concertée, c’est-à-dire si elle était le fait de tout un ensemble de pays, ce qui dans l’immédiat n’est qu’un rêve. Enfin, s’il est incontestable que l’euro a aggravé la crise que nous connaissons depuis 2008, il n’en est pas le seul responsable. La question de l’endettement public me semble beaucoup plus grave. Un retour aux anciennes monnaies nationales ne résoudrait pas cette question de la dette publique. Il suffit d’ailleurs de voir ce qu’il en est de la Grande-Bretagne : elle n’a jamais adopté l’euro, mais elle n’en est pas moins confrontée à d’énormes problèmes de déficits et d’endettement. La cause principale de la crise, la dépendance des Etats par rapport aux marchés financiers, trouve son origine dans la nature même du système capitaliste. La disparition de l’euro ne nous ferait pas sortir de ce système.
     
    - Après les excuses du Fonds Monétaire International, des membres de la Commission et de la BCE ont eux aussi reconnu des erreurs dans la gestion de la crise en Grèce. Une vraie farce si l'on considère le drame social qu'est en train de vivre le pays. La troïka représente-t-elle une dégénération des temps que nous vivons  ? 
     
    La « Troïka » est l’outil privilégié de la Forme-Capital. Certains de ses responsables ont bien pu reconnaître avoir commis des « erreurs » dans le cas de la Grèce, ils n’en ont pas pour autant changé fondamentalement d’orientations. Conformément aux exigences de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI), ils en tiennent toujours pour des mesures d’« austérité » qui passent par la privatisation à outrance, la concurrence sauvage, la baisse des salaires, les délocalisations, le démantèlement du secteur public et des services sociaux. Ces mesures, qui sont censées favoriser un « retour de la croissance », aboutissent en réalité au résultat inverse. Les politiques d’austérité diminuent le pouvoir d’achat, donc la demande, donc la consommation, donc la production, ce qui entraîne une augmentation du chômage et une baisse des rentrées fiscales. Les principales victimes de ces politiques sont les classes populaires et les classes moyennes aujourd’hui menacées de déclassement.
     
    - Dans une société où règnent la liberté de mouvements de capitaux et de marchandises, la  renégociation au rabais des droits sociaux acquis et une inégalité sociale croissante, telle que de plus en plus de personnes ne peuvent se permettre une vie tout simplement digne,  quelle place le concept d' « impérialisme » a-t-il pris ?
     
    Je vois mal le rapport entre l’« impérialisme » et la situation que vous décrivez, peut-être parce que nous ne donnons pas le même sens à ce mot. Mais ce qu’il est important de voir, c’est que la liberté de mouvement des marchandises et des capitaux va de pair, dans la doctrine du capitalisme libéral (et plus encore dans celle du capitalisme financier aujourd’hui triomphant, dont l’une des grandes caractéristiques est d’être presque totalement déterritorialisé), avec une totale liberté de circulation des hommes. C’est ce qui explique que, dans tous les pays, ce sont les milieux capitalistes et patronaux qui se montrent le plus favorables à l’immigration. Ils savent que celle-ci exerce une pression à la baisse sur les salaires des travailleurs « autochtones », et que cette baisse est de nature à augmenter leurs profits. C’est en ce sens que l’on peut dire de la masse des immigrés qu’elle constitue l’« armée de réserve » du Capital.
     
    - Est-il sensé de parler aujourd'hui de droite et de gauche dans le débat politique ? Existe-t-il pour vous un modèle de développement alternatif au modèle financier globalisé qui exerce son hégémonie sur l'Occident ? 
    Le clivage droite-gauche est devenu aujourd’hui complètement obsolète, dans la mesure où il ne permet plus d’analyser les rapports de force à l’œuvre dans les nouveaux mouvements sociaux. Tous les grands événements de ces dernières décennies ont fait apparaître de nouveaux clivages transversaux par rapport aux familles politiques traditionnelles. C’est ainsi qu’il y a des partisans « de droite » et de « gauche » de l’Union européenne, des adversaires « de droite » et « de gauche » de la globalisation, etc. Dans ces conditions, la référence à la « droite » et à la « gauche » ne veut plus rien dire. Toutes les enquêtes d’opinion montrent d’ailleurs que la majorité des gens ne savent plus du tout ce qui pourrait encore distinguer la droite et la gauche. Ils le savent d’autant moins qu’ils voient depuis au moins trente ans des gouvernements « de droite » et « de gauche » se succéder pour faire les mêmes politiques (ils voient des alternances, mais jamais une alternative). Le fossé qui ne cesse de se creuser entre le peuple et la classe politique dans son ensemble a encore contribué à aggraver cette situation.
    Il existe des modèles alternatifs au système capitaliste actuel, qui est aujourd’hui fondamentalement confronté  au problème de la dévalorisation de la valeur, mais ils n’ont aucune chance d’être appliqués aussi longtemps que l’on ne sera pas allés jusqu’au bout de la crise. On ne peut en effet sortir à moitié du système dominant. On ne peut qu’en sortir totalement, ou bien y demeurer. Rompre avec ce système impliquerait une véritable « décolonisation » des esprits. Le capitalisme n’est en effet pas seulement un système économique. Il est aussi porteur d’une dynamique anthropologique, dans la mesure où il se fonde sur une certaine idée de l’homme héritée du libéralisme des Lumières, en l’occurrence un homme qui ne serait qu’un consommateur-producteur mû par des considérations purement utilitaristes ou relevant de l’axiomatique de l’intérêt. En ce sens, rompre avec le système capitaliste actuel, cela implique aussi de rompre avec l’obsession économique et le primat des seules valeurs marchandes.
      
    - Qu'attendez-vous des prochaines élections européennes ? Pensez-vous que la politique sera capable d'offrir un modèle de développement alternatif qui pourra sauver l'Europe ?
     
    Je n’attends rien des prochaines élections européennes, dont le seul intérêt sera de permettre d’évaluer l’audience des différents partis nationaux. De façon plus générale, je n’attends rien non plus de la politique. Les hommes politiques découvrent aujourd’hui chaque jour l’étendue de leur impuissance. Les transformations essentielles de la société, celles qui font véritablement passer d’un moment historique à un autre, sont d’une nature trop complexe pour se ramener à des initiatives politiques ou gouvernementales qui, dans presque tous les cas, sont incapables de dépasser l’horizon du court terme et les impératifs de la seule gestion.
     
    Alain de Benoist, propos recueillis par Alessandro Bianchi (L'AntiDiplomatico, 9 avril 2014)
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  • A propos du socialisme français...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien avec Alain de Benoist , réalisé par Kontre Kulture et consacré au socialisme français , au travers, notamment, de son ouvrage Edouard Berth ou le socialisme héroïque (Pardès, 2013).

     


    Alain de Benoist sur le socialisme français par kontrekulture

    Pour Kontre Kulture, le philosophe et écrivain Alain de Benoist revient sur le socialisme français de la fin du XIXème siècle. Il explique quand se sont constitués les syndicats, quels étaient les différents courants et présente les théoriciens du socialisme Georges Sorel et Édouard Berth. Il revient également sur l'aventure du Cercle Proudhon, qui a réuni des syndicalistes révolutionnaire et des monarchistes de l'Action française.

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  • La mythologie du progrès...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et dans lequel il revient sur le mythe, toujours vivace, du progrès... 

     

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    La mythologie du progrès repose sur l’idolâtrie du nouveau…

    À chaque élection, les hommes de gauche prétendent rassembler les « forces de progrès ». Mais un cancer peut, lui aussi, progresser ! Le progrès serait-il une fin en soi ?

    Les malheureux ne savent même plus de quoi ils parlent ! Historiquement, l’idée de progrès se formule autour de 1680, avant de se préciser au siècle suivant chez des hommes comme Turgot ou Condorcet. Le progrès se définit alors comme un processus accumulant des étapes, dont la plus récente est toujours jugée préférable et meilleure, c’est-à-dire qualitativement supérieure à celle qui l’a précédée. Cette définition comprend un élément descriptif (un changement intervient dans une direction donnée) et un élément axiologique (cette progression est interprétée comme une amélioration). Il s’agit donc d’un changement orienté, et orienté vers le mieux, à la fois nécessaire (on n’arrête pas le progrès) et irréversible (il n’y a pas de retour en arrière possible). L’amélioration étant inéluctable, il s’en déduit que demain sera toujours meilleur.

    Pour les hommes des Lumières, étant donné que l’homme agira à l’avenir de façon toujours plus « éclairée », la raison se perfectionnera et l’humanité deviendra elle-même moralement meilleure. Le progrès, loin de n’affecter que le cadre extérieur de l’existence, transformera donc l’homme lui-même. C’est ce que Condorcet exprime en ces termes : « La masse totale du genre humain marche toujours à une perfection plus grande. »

    La mythologie du progrès repose ainsi sur l’idolâtrie du nouveau, puisque toute nouveauté est a priori jugée meilleure du seul fait qu’elle est nouvelle. La conséquence en est le discrédit du passé, qui ne peut plus être regardé comme porteur d’exemples ou de leçons. La comparaison du présent et du passé, toujours à l’avantage du premier, permet du même coup de dévoiler le mouvement de l’avenir. La tradition étant perçue comme faisant, par nature, obstacle au progrès, l’humanité doit s’affranchir de tout ce qui pourrait l’entraver : s’arracher aux « préjugés », aux « superstitions », au « poids du passé ». C’est déjà tout le programme de Vincent Peillon ! À l’hétéronomie par le passé, on substitue en fait une hétéronomie par l’avenir : c’est désormais le futur radieux qui est censé justifier la vie des hommes.

    En ce sens, la « réaction » peut faire figure de sain réflexe, mais ne raisonner qu’en « contre », n’est-ce pas abandonner toute pensée autonome ?

    La « réaction » est saine quand elle nourrit l’esprit critique, plus discutable quand elle se borne à dire que « c’était mieux avant ». La critique de l’idée de progrès, qui à l’époque moderne commence chez Rousseau, représente souvent le double négatif – le reflet spéculaire – de la théorie du progrès. L’idée d’un mouvement nécessaire de l’histoire est conservée, mais dans une perspective inversée : l’histoire est interprétée, non comme progression perpétuelle, mais comme régression généralisée. La notion de décadence ou de déclin apparaît en fait tout aussi peu objectivable que celle de progrès. En outre, comme vous le dites, se borner à raisonner en « contre », c’est encore rester dépendant de ce à quoi on s’oppose. C’est en ce sens que Walter Benjamin pouvait dire que « l’antifascisme fait partie du fascisme »…

    « Progrès » et « réaction » ne procèdent-ils pas finalement tous deux d’une vision linéaire de l’histoire, laquelle pourrait tout aussi bien fonctionner par cycles ?

    Chez les Grecs, seule l’éternité du cosmos est réelle. L’histoire est faite de cycles qui se succèdent à la façon des générations et des saisons. S’il y a montée et descente, progrès et déclin, c’est à l’intérieur d’un cycle auquel en succédera un autre (théorie de la succession des âges chez Hésiode, du retour de l’âge d’or chez Virgile). Dans la Bible, au contraire, l’histoire est purement linéaire, vectorielle. Elle a un début absolu et une fin nécessaire. L’histoire devient alors une dynamique de progrès qui vise, dans une perspective messianique, à l’avènement d’un monde meilleur. La temporalité est, en outre, orientée vers le futur, de la Création au Jugement dernier. La théorie du progrès sécularise cette conception linéaire de l’histoire, d’où découlent tous les historicismes modernes. La différence majeure est que l’au-delà est rabattu sur l’avenir, et que le bonheur remplace le salut.

    Mais les gens croient-ils encore au progrès ?

    L’excellent Baudoin de Bodinat remarque que, « pour juger du progrès, il ne suffit pas de connaître ce qu’il nous apporte, il faut encore tenir compte de ce dont il nous prive ». Le fait est que bien des progrès dans un domaine se doublent d’une perte, d’un manque, voire d’une régression dans un autre. Les totalitarismes du XXe siècle et les deux guerres mondiales ont, de toute évidence, sapé l’optimisme des Lumières. On ne croit plus guère au « sens de l’histoire » ni que le progrès matériel rende l’homme automatiquement meilleur. L’avenir lui-même inspire plus d’inquiétudes que d’espoirs, et l’aggravation de la crise paraît plus probable que les « lendemains qui chantent ». Il n’est jusqu’à la technoscience dont l’ambiguïté se révèle un peu plus chaque jour, comme le montrent les débats sur la « bio-éthique ». Bref, comme le disait l’écrivain italien Claudio Magris : « Le progrès n’est pas un orgasme ! »

    Pour être juste, il faut cependant reconnaître qu’au travers des progrès de la technologie et de l’idéologie du « développement », la notion de progrès reste quand même présente dans une société qui, parce qu’elle croit encore que « plus » est toujours synonyme de « mieux », recherche ou accepte la suraccumulation infinie du capital et l’extension perpétuelle de la marchandise.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 31 mars 2014)

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  • Rome en héritage...

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    Le numéro d'avril 2014 de la revue Le spectacle du monde est en kiosque. 

    Le dossier est consacré à ce que l'Europe doit à la Rome impériale fondée par Auguste. On pourra y lire, notamment, des articles de Frédéric Valloire ("D'Octave à Auguste"), de Marie d'Armagnac ("Dans l'intimité d'un géant"), d'Alexandre Grandazzi ("Le culte des origines"), d'Eric Branca ("L'empire du droit") et d'Alain de Benoist ("Le modèle impérial").

    Hors dossier, on pourra aussi lire, notamment, des articles de François Bousquet ("La gloire de Pagnol"), d'Arnaud Guyot-Jeannin ("Eternel Eric Rohmer") et de Laurent Dandrieu ("Lubitsch, l'orfèvre de la légèreté"). Et on retrouvera aussi  les chroniques de Bertrand de Saint-Vincent ("Bons baisers d'Afrique"), de François d'Orcival ("La semaine sanglante de Kiev"), de Patrice de Plunkett ("Le local et le mondial") et d'Eric Zemmour ("La vérité sur l'affaire Buisson").

     

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  • La Révolution conservatrice allemande...

    Les éditions du Lore publient dans le courant du mois un recueil de Robert Steuckers intitulé La Révolution conservatrice allemande - Biographie de ses principaux acteurs et textes choisis. Figure de ce qu'il est convenu d'appeler la Nouvelle Droite, Robert Steuckers a, à côté de ses activités de traducteur, animé plusieurs revues de qualité comme Orientations et Vouloir , et est un de ceux qui, avec Louis Dupeux et Alain de Benoist, a le plus contribué à faire connaître dans l'aire francophone cette galaxie d'auteurs, de groupes et de revues, actifs dans l'Allemagne de Weimar, qu'Armin Mohler a englobé sous l'appellation de Révolution conservatrice. Un ouvrage indispensable, et depuis longtemps attendu ! ...

    L'ouvrage est disponible en souscription jusqu'au 8 avril sur le site des éditions du Lore : Editions du Lore

     

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    " Si la vulgate considère la Révolution conservatrice allemande comme un « laboratoire d’idées », il n’en demeure pas moins que cette dernière représente une extraordinaire aventure métapolitique qui inspire encore beaucoup d’idéologues, de philosophes et d’artistes aujourd’hui à travers le monde.

    L’une de ses grandes figures, Arthur Moeller van den Bruck, proposa en son temps de penser un système politique qui succéderait au IIe Reich bismarko-wilhelminien au-delà des clivages gauche/droite, où les oppositions entre socialisme et nationalisme seraient sublimées en une synthèse nouvelle.

    Dans ce recueil de grande densité, Robert Steuckers (ex-G.RE.C.E, Vouloir, Synergies Européennes) a regroupé la majorité de ses textes sur le sujet. Le lecteur y découvrira notamment les conférences pointues données par l’auteur entre 1994 et 2013 ainsi que diverses notices biographiques d’acteurs, illustres et moins connus, de la Révolution conservatrice allemande. "

     

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